En promenade dans les rues de la ville

Plusieurs jours de cavale pour se rendre à l'autre bout du monde. La diligence s'arrêta au quai et Lugar en descendit toute éreintée. À peine les pieds posés au sol qu'elle reçu une missive du Remensis. Décidément ..... Par chance, une autre missive, provenant de la conseillère à l'accueil de la ville redonna un sourire à la jeune femme qui en avait marre de toutes ces embrouilles en la Cité Papale. Elle décela tout de suite que l'endroit était chaleureux et accueillant. Elle porta ses yeux vers le ciel et remercia le prophète Pascal d'avoir veillé sur elle pendant ce voyage et que par grand bonheur, elle avait réussi à joindre sa destination, malgré tout, et ce, sans encombre.

Elle replia son courrier et le rangea dans sa besace et préféra sourire au soleil qui dardait de ses rayons énergisants. Les soucis d'outre mer ne l'atteignaient plus désormais. Et qui peut affirmer que le pigeon ait réussi à se rendre jusqu'à elle ? Elle s'étira pour se dégourdir et chercha une auberge pour se changer.

Elle n'eut pas à marcher bien longtemps pour la trouver. Elle poussa la porte. L'endroit assez désert vu l'heure de la journée laissait voir en sa place centrale un foyer dans lequel s'éteignaient lentement quelques tisons. Elle sortit le vélin provenant du Remensis et le jeta dans l'antre. C'est avec un soulagement sans pareil qu'elle regarda s'enflammer ces mauvaises nouvelles.

Elle demanda à l'aubergiste une chambre pour changer ses vêtements. Elle allait tourner une page de sa vie. C'est dans une hâte inégalée qu'elle revêtit des vêtements tous simples et elle laissa sur place ceux qui la démarquaient dû à son rang. Elle redescendit et ouvrit sa bourse.

Merci aubergiste. Recevez ces louis. J'ai laissé quelques trucs dans la chambre, je vous les donne, faites-en ce que bon vous semble. Je vous serais grée de ne pas m'avoir vu.

Elle déposa sur le comptoir la moitié de son argent et fila vers la sortie d'un pas léger. Avant de tirer la porte, elle enleva ses bottes qu'elle laissa sur le pas. Elle se retourna avant de sortir.

Que votre journée soit des plus merveilleuses Monsieur ! s'exclama-t-elle soulagée de sa décision.

C'est pieds nus, comme autrefois, qu'elle déambula dans les rues de la ville, humant les fleurs des balconnières, souriant aux passants qui la croisaient. Il y avait longtemps qu'elle s'était perdue ....

Après quelques heures de marche, elle trouva un banc sur lequel elle s'assied réfléchissant à ce qu'elle allait faire de sa journée. Elle pensait à lui, espérant qu'il ne lui tenait pas trop rigueur d'être partie en trombe lors de leur dernière rencontre ...

Hubert ronchonait depuis quelques temps... Avec l'arrivé de l'armée française, il avait du abandonné son uniforme pour porter maintenant un cuirasse et une pique. Bien qu'il ne portait jamais la pique. Il suivait comme à son habitude son superieur qui venait d'être nommée Colonel de Guernesey.

Comme souvent Bastien, le colonel, se baladait en ville sur le dos de sa monture. Son large chapeau à plume assombrissant le regard de l'homme. Hubert le suivait, lui à pieds, il n'avait plus le droit de monter une monture.

Les deux hommes apercurent une femme pieds nues assise sur un banc. Bastien descendit de sa monture, accrocha les renes de celle çi à un anneau encrer dans un mur. Il se tourna vers la dame, il la devisagea de loin, du bout de ses petits pieds aux pointes des cheveux, ralentissant le mouvement de son regard sur les hanches de la femme. Il s'approcha d'elle, Hubert peu loin comme à son habitude.

Bonjour Madame ! Que se passe-t-il ? Un voleur vous aurais volé vos chaussures ? Racontez moi donc cette histoire...

Lugar, tête en l'air, nez au vent, flanc au soleil, perdue dans ses réflexions, fut sortie de sa torpeur lorsqu'un homme l'aborda. Elle l'avisa des pieds à la tête, ralentissant son regard sur les armes qu'il portait. Visiblement, il s'agissait d'un militaire. Elle ramena ses jambes sous le banc et passa ses mains sur sa robe pour en défaire les plis. Elle regarda autour d'elle pour s'assurer que c'était bien à elle qu'on s'adressait, elle ne pu qu'en conclure que tel était le cas. Aucun doute possible.

Un moment de silence avant de répondre. Elle n'avait pas trop envie d'attirer l'attention et c'était sans réfléchir qu'elle s'était permise d'arborer une tenue de va-nu-pied. Elle était loin de se douter qu'elle ne passerait pas inaperçue. En fait, dans sa naïveté, elle espérait plutôt le contraire. Et bien c'était réussi ...

Heu .... bonjour ... lui dit-elle un peu gênée.

Je vous assure, personne ne m'a volé mes chaussures. Je me promène volontairement pieds nus. C'est que ce soleil radieux m'en a inspiré vous savez ? Y a-t-il un problème ? Est-ce interdit dans cette ville ? Si ça se trouve, je n'en savais rien. Je viens tout juste de débarquer. St-Pierre Port est un magnifique endroit. rétorqua-t-elle espérant faire dévier la conversation, tout en espérant qu'on ne cherche pas trop à savoir qui elle est.

Bastien écouta la réponse de la femme, c'est vrai qu'il y avait assez de soleil. Toujours le regard impassible, il posa sa main gauche sur le pommeau de sa rapière.



Oh, non! Cela n'est point interdit, juste... il est rare de voir des femmes pieds-nu en cette ville. Cette ville vous plait ? D'où venez vous ?

Il posa ces quelques questions sur un ton calme, il était loin de ses interrogatoire d'atant.

Déjà qu'elle ne soit pas en état d'arrestation rassurait la jeune femme. Elle ne voyait pas pourquoi d'ailleurs ce qui pouvait y avoir de mal à se déchausser. Il lui demandait d'où elle venait. Cette question demandait réflexion. Ne point mentir mais demeurer évasif était l'attitude à adopter. Elle resta assise, redressant son dos et relevant les épaules légèrement, ayant l'air sure d'elle, elle répondit.

J'ai visité bon nombre d'endroits Monsieur. Je cherche l'océan en fait. Je suis venue constater par moi-même si icelieu il est tel que je l'imagine depuis longtemps.

Elle n'en dit pas plus, satisfaite de cette réponse.

Bastien écoutait se que disait la jeune femme. Tout en observant ses pieds. Il releva son regard vers elle, un peu surpris... mais cela était vrai, beaucoups de gens qui venait ici était soit des déserteur, soit des gens qui recherchaient la solitude ou encore de vieux bandits et coups jarrets qui croyait encor l'île aux anglais.

Madame, alors en tant que Colonel de cette province je me permet de vous souhaiter la bienvenue. Et si vous recherchez la mer, pourquoi ne pas allé prêt de la plage y tremper vos petits pieds, beaucoup de gens aiment y patoger...

Il fit une pause, eu un petit sourire en coin.

...Ainsi que les chevaux.

Il rit doucement, pourtant sa grosse portant fit un son puissant.

Colonel de Guernesey, se dévoila-t-il. Il fallait à la fausse va-nu-pieds éviter impérativement d’alimenter chez cet homme ses compétences d’enquêteur. C’était mal débuté. Au vu de sa réaction et de son insistance sur les pieds, Lugar cherchait à faire dévier la conversation autant que le regard du militaire.

Colonel, merci pour cet accueil. Je me rendrai à la mer, il va sans dire. Je n’ai pas traversé le Royaume pour l’y manquer.

Sourire forcé, la jeune femme se leva, se rapprocha de l’homme, question de lui diminuer le panorama sur sa personne, rendant plus perceptible le regard vers les pieds et à la rigueur dévoilant chez le «voyeur» s’il méprise ou non les petites gens.

D’ailleurs, fallait-il entrevoir dans sa comparaison avec les chevaux qu’il portait un jugement sur l’apparence des gens ? Son rire, assez particulier, vint brouiller l’analyse que portait Lugar sur l’homme. Néanmoins, elle adopta une attitude fière et sure d’elle, même si à l’intérieur subsistait une crainte autant qu’un sentiment de dégoût à l’idée qu’un gradé de l’État puisse mépriser certaine classe de la société. Malgré l’importance de devoir changer les idées de son interlocuteur, elle ne put s’empêcher de le confronter.

Ainsi, vous admettez que les chevaux puissent savoir à quel point il est salutaire de purifier leurs pieds ! Vous me paraissez être un fin observateur et d’une ouverture d’esprit hors pair face à la dignité humaine. Vous avez dû surement patauger à vos heures. Avez-vous remarqué qu’en ressentant par les pieds la source de la terre notre vision du monde s’élargit ?

Alors que la femme se levait, Bastien laissa vaguer son regard dans la ruelle. Il calmait son rire, observant des enfants jouer avec une poupée de chiffon. L'homme fut étonné de la réaction de la femme, elle ne venait d'un bas quartier. Cela se sentait à son odeur ainsi qu'à sa façon d'être.

Oh, madame ! Ne soyez donc point frustré, cela n'étant point mon intention. Cela est juste que l'on m'a fait remarquer la chose dans ma jeunesse, rien de plus.

L'homme se dirigea vers sa monture laissé de coté. Il lui tapota l'encolure, pourtant il était attentif au moindre geste de la jeune femme.

Je me rends sur la falaise, voulez vous m'y accompagner ?

Le militaire mit son pieds gauche dans l'etrier de la selle, et dans large mouvement, il passa sa jambe droite de l'autre coté de la selle. Il tint fermement les renes de la main gauche et ajouta.

La meilleure façon d'y voir le monde est à dos de cheval pret des falaises....

Malgré son audace envers le militaire, ce dernier ne semblait pas choqué de son intervention. Peut-être Lugar avait-elle jugé trop rapidement cet homme ? Possible. Déjà qu'il ne chercha pas davantage à la faire parler d'elle soulageait l'ex mairesse de Reims. Elle ne baissa pas sa vigilance pour autant.

Il l'invita à observer l'océan par delà des falaises. Bien que cela puisse intéresser Lugar, ce n'était point son désir à priori. Elle était venue dans un but précis et maintenant il lui tardait d'y arriver. Elle sourit à l'homme avant de lui répondre, tout en gardant sa droiture.

Colonel, sachez que je ne suis point frustrée vraiment. Disons que lors de mes nombreux voyages j'ai tellement vu de mépris entre les classes sociales que je réagis vivement quand «une apparence de» semble se dessiner. J’estime que toute personne, peut-importe ses origines, sa fortune ou son apparence a droit à être reconnu à sa juste valeur. Bien sûr, ma vie est assez courte mais j’ai suffisamment de vécu pour avoir été témoin des ravages que peuvent causer l’ambition de s’élever dans la noblesse.

Sur ces paroles, Lugar baissa les yeux, dépitée, et revit la scène à Reims dans les bureaux de la Hérauderie Pascale. Un seul mot, et encore il était faible, lui venait en tête : déplorable ! Elle chassa vite cette vision estimant que la journée était beaucoup trop agréable pour se mettre à broyer du noir. Elle releva la tête et rabaissa les épaules.

Monsieur, votre invitation m’aurait intéressé en un autre temps. Je vous remercie de cette attention mais j’ai autre chose en tête en ce moment. Ceci dit, j’ai été ravie de vous rencontrer. Comme je trouve cette ville fort charmante, j’ai l’intention de m’y établir au moins quelques jours. Nous aurons peut-être l’occasion de remettre cette balade une autre journée. Aussi, je vous souhaite qu’elle demeure agréable pour vous. À une prochaine fois peut-être.

Elle attendit que le militaire reprenne son chemin avant de filer le sien.

Du haut de sa monture le colonel écouta la femme. Ainsi donc elle venait de loin...

Dans ce cas faites ce que vous avez à faire. Ne venez pas attirer les ennuis dans cette ville, les récents évènements font que certaines personnes sont encore méfiantes des étrangers...

Sans dire de plus, Bastien élanca sa monture dans un trop rapide en direction des falaises...